Biais cognitifs

Déviation dans le traitement
cognitif d'une information

La découverte et l’étude des biais cognitifs a contribué à battre en brèche l’un des postulats premiers de la microéconomie voulant que l’acteur soit pleinement rationnel (théorie du choix rationnel).

Kahneman et Tverski sont les deux psychologues pionniers de ce champ de recherche.

Kahneman a reçu le prix Nobel d'économie en 2002,
6 ans après la mort de Tverski.

Effet de leurre

Dans une étude un peu bizarre de 2017, 102 visages ont été jugés par 2513 personnes entre 17 et 90 ans.

Parmi les 626 votants âgés de 17 à 20 ans, les deux plus hauts scores d'attractivité pour des visages masculins (3,9/7 chacun) ont été donnés à Richard et Louis.

Une IA a alors permis d’ajouter Charles, une version “moins attractive” soit de Richard, soit de Louis.

Le faux Louis a été ajouté à la moitié des questionnaires et le faux Richard à l'autre moitié.

Résultats :

L’idée est que Charles est sensé basculer
le choix vers son meilleur jumeau.
C’est l’effet de leurre.

Sur notre expérience, deux problèmes
viennent entacher les résultats :

  • l'asymétrie entre l'attractivité de Richard
    et Louis est grande sur notre échantillon,
  • c'est "faux Richard" et non Richard qui a
    siphonné les voix de Louis dans la variante B.

Exemples d’utilisation dans l’industrie :

dans une expérience conduite par Dan Ariely,
on montre à des étudiants deux vraies pubs pour
le journal The Economist présentant différentes options d'abonnement et on leur demande
de choisir leur option préférée.

Confrontés à cette première variante, 68% des étudiants sondés disent préférer l’option en ligne
et 32% l’option papier + web.

Maintenant, les étudiants ne sont plus que 16%
à choisir la version en ligne, 0% à choisir la version intermédiaire et 68% pour la version web+papier !

Recette :

il faut que la 3e option introduite (le leurre)
soit asymétriquement dominée, c’est-à-dire complètement dominée par l’une des options
mais qu’en partie par l’autre.

Le choix est alors tiré vers l'option
totalement dominante.

Rq :

Dans notre expérience, faux Richard
n’est pas assez dominé par Richard.

L’effet contredit l’axiome d’indépendance des alternatives non pertinentes utilisé dans les sciences sociales et dans le cadre de la théorie de la décision.

Selon l'axiome, si un individu préfère A à B, alors l'ajout d'une 3e possibilité X ne doit pas changer
la préférence entre A et B.

Ce biais fait partie de la famille des effets de contraste :


Attention sélective

C’est l’expérience du gorille invisible.

Elle met en évidence la cécité d'inattention : échouer à remarquer un stimulus pourtant parfaitement visible.

Environ 50% des personnes ayant bien compté
15 passes ne voient pas le gorille.

Effet d’ancrage

Le nombre de pays africains
à l’ONU est-il supérieur à

Variante 1 : 10 % ?

Variante 2 : 65 % ?

Quel est selon vous le pourcentage
de pays africains à l'ONU ?

Achèterais-tu cette tablette de chocolat pour

Variante 1 : 2,90 ?

Variante 2 : 8,90€ ?

Quel est le prix max que tu serais prêt(e)
à payer (en €) pour cette tablette ?

Variante 1 :
Selon toi, une baleine bleue adulte
mesure-t-elle plus ou moins de 49 m ?

Variante 2 : estimation directe

L’effet permet de manipuler une négociation :

On commence par communiquer un premier prix
très élevé, présenté comme normal.

Même si l'autre partie considère ce prix bien trop grand, il sert inconsciemment de cadre de référence (d'ancre) à la négociation. Et lorsqu'un prix plus normal est proposé, il fait office de bonne affaire.

Effet Stroop

L’article de recherche original de John Ridley Stroop publié en 1935 est l’un des plus cités
en psychologie expérimentale.

Effet de cadrage

600 personnes ont été contaminées par un nouveau virus. Un laboratoire met au point deux stratégies
de traitement différentes.

Cadrage positif :

  • Traitement A : 200 personnes seront sauvées.
  • Traitement B : il y a 1/3 de chances que les 600 personnes soient sauvées, et 2/3 de chances que personne ne soit sauvé.

Cadrage négatif :

  • Traitement A : 400 personnes mourront.
  • Traitement B : il y a 1/3 de chances que personne ne meure, et 2/3 de chances que les 600 personnes meurent.

Dans l’étude originale de Kahneman et Tversy :

  • 72% choisissent le traitement A
    dans le cadrage positif.
  • 78% choisissent le traitement B
    dans le cadrage négatif.

Lorsqu’il s’agit de vies sauvées, on choisit massivement l’option la moins incertaine alors que quand il s’agit de vies perdues, on préfère nettement garder
une chance de tuer personne.

Depuis le début des années 1980, les chercheurs en psychologie cognitive ont montré que les humains sont davantage motivés par la peur d’une perte que par la perspective d’un gain, fussent-ils du même montant.

Nos comportements tendent donc à réduire les pertes potentielles plutôt que de maximiser les gains.

Les comportements humains cherchent aussi à réduire un maximum les risques, synonymes d’incertitudes. C’est ce que l’on appelle l’aversion au risque.

L’effet de cadrage articule
le rapport à la perte et au risque.

La majorité des personnes préfère sécuriser un gain minime que de parier sur un gain incertain, tandis que lorsqu’on présente les choses sous la forme de pertes, les sujets vont majoritairement tolérer une prise de risque supérieure afin de réduire celles-ci.

Dans notre échantillon, ça n’a pas marché du tout…

51% / 49% pour le cadrage positif

52% / 48% pour le cadrage négatif

Pourquoi ? Mystère...

L'effet est pourtant robuste
et marche dans différents contextes.

Exemples :

La propension d'un accusé à accepter un "plea bargain" (reconnaître sa culpabilité contre une peine réduite) dépend fortement de s'il était placé en
détention provisoire ou non.

En détention provisoire, le deal est vu comme permettant de sortir plus tôt de prison (la prison est devenue la référence) alors que sinon, il revient
à accepter d'être privé de liberté.

Les consommateurs sont prêts à payer 8,2 ¢ de plus par livre quand l’étiquette dit « 80 % maigre »
plutôt que « 20 % gras ».

Pour des produits identiques avec un surcoût carbone, la probabilité de choisir l’option plus chère passe,
chez les Républicains US, de 13 % si étiqueté comme "taxe carbone" à 53 % si étiqueté comme "compensation carbone".

Taux effectif de consentement au don d’organes

  • en Allemagne : ≈ 12 %
  • en Autriche : ≈ 99–100 %

À votre avis, pourquoi ?

Test de Wason

Chaque carte a une lettre d’un côté
et un chiffre de l’autre.

Règle :

Si une carte a une voyelle d’un côté,
alors elle a un nombre pair de l’autre.

Quelle(s) carte(s) faut-il retourner, et seulement celle(s)-là, pour tester si la règle est vraie ?











Ce test met en évidence deux biais :

  • biais de vérification : on cherche d'avantage
    à confirmer qu'à réfuter
  • biais d'appariement : on a tendance à se focaliser
    sur les items cités dans l'énoncé

Une reformulation plus concrète du problème fait largement chuter le nombre d’erreurs.

Quatre personnes sont en train de boire dans un bar
et vous disposez des informations suivantes :

  • la première boit une boisson alcoolisée,
  • la seconde a moins de 18 ans,
  • la troisième a plus de 18 ans,
  • et la dernière boit une boisson sans alcool.

Quelle(s) personne(s) devez-vous interroger sur leur âge ou sur le contenu de leur verre pour vous assurer que tous respectent bien la règle suivante : "Si une personne boit de l'alcool, elle doit avoir plus de 18 ans".

Effet Mcgurk

Gamme de Shepard

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